La naissance à la hâte
de ces partis politiques et certainement aussi l'inexpérience de leurs leaders seront
catastrophiques pour leur avenir et pour l'avenir du pays en particulier. En
effet, plutôt que d'expliquer à la population leurs stratégies et leurs
idéologies, les leaders des partis d'opposition vont directement se livrer à
discréditer l'ancien parti unique (MRND) et surtout son président-fondateur
Habyarimana. Ces jeunes leaders iront même à vouloir s'approprier le domaine de
la sécurité nationale. C'est ce chaos politique que le FPR a profité pour
intensifier la guerre au Rwanda. La cohésion de ces partis surtout avec le FPR
va affaiblir le pouvoir du régime en place qui visiblement ne voulait aussi
rien lâcher.
Par ces attaques, le FPR a
ressuscité les vieilles haines ethniques et a engendré de fait une
bipolarisation politico-ethnique. En effet, les massacres systématiques
perpétrés contre les populations civiles hutu dans les zones envahies par le
FPR entraînaient sans aucune autre alternative les déplacements des populations
rurales qui n'étaient en rien impliqués dans cette agression. Ces massacres
n'étaient en aucun cas de bonne augure.
-
Pour le gouvernement Habyarimana, il n'était pas facile d'entamer des
négociations avec chaque fois des menaces de reprise de guerre. De l'autre
côté, le FPR intensifiait l'infiltration militaire, recherchait un armement à
la pointe, tout cela avec la complicité de certains pays étrangers. Cela ne
pouvait jamais amener à une solution heureuse et négociée du conflit.
-
Les deux grands antagonistes dans cette guerre (le MRND ainsi que le FPR)
voulaient à tout prix une victoire
militaire pour enfin s'assurer un pouvoir sans partage. Ils étaient ainsi
tous les deux animés par une série de manoeuvres dilatoires afin de faire
retarder sinon échouer les négociations de paix. Voilà ce qui a sapé les
négociations d'Arusha et qui explique d'ailleurs la politique actuelle du FPR
(il règne et gouverne seul, par la terreur et sans l'opposition). Les partis
actuellement dits de l'opposition démocratique sont, bon gré mal gré, ses
acolytes. Ils n'ont pas pu éviter ce guet-apens.
-
En ce qui concerne les partis politiques de l'opposition démocratique, la soif
du pouvoir et les intérêts égoïstes ont été à la base de la trahison révoltante
du peuple rwandais par les leaders de ces partis. Ils devraient tôt ou tard
faire un mea culpa au peuple rwandais. C'est suite à cette trahison bâtie sur
l'inexpérience de ces jeunes leaders, sur la convoitise des postes hautement
placés dans les grandes affaires du pays, sur le manque de projet de société à
construire dans leurs programmes, sur
le manque de sagesse et de clairvoyance politiques, sur la collaboration contre
nature avec le FPR, ..., que ces mêmes
leaders ont mené à l'éclatement de leur force politique qui les regroupait: FDC* (Forces Démocratiques de Changement).
C'est ainsi que le grand parti de
tous les temps dans l'histoire politique du Rwanda moderne, le Mouvement
Démocratique Républicain (MDR), qui était incontestablement soutenu par une
grande partie de la population rwandaise, fut affaibli par ses faux leaders dont
les ambitions étaient tout à fait personnelles. Vers la fin de la guerre en
juillet 1993, et sous les erreurs des individus qui par ailleurs luttaient pour
le poste de premier ministre, ce parti
va éclater en deux factions. La séparation de ces deux tendances au sein
du MDR va se radicaliser dans la suite. Précisons ici que dès le début de la
guerre et dans le cadre d'un rapprochement jugé nécessaire par l'opposition,
certains partis politiques ou leurs factions s'étaient cachés derrière le
paravent démocratique pour entretenir des relations plus ou moins officielles
avec les inyenzi-inkotanyi (FPR). Ce jeu extrêmement dangereux, qui devait
normalement être arbitré au niveau national (gouvernement), n'a jamais été
arrêté.
Dès la reprise de la
guerre en avril 1994, les deux dissidents du MDR vont s'aligner du côté des 2
forces en confrontation: l'un (MDR Power) pour le MRND et l'autre (MDR de
Twagiramungu) pour le FPR. Les hutu qui soutenaient la faction de Twagiramungu
et donc pro-FPR seront considérés, à tort et à travers, comme modérés* . Les hutu
du MDR Power seront eux considérés comme des durs du Parti: les hutu
extrémistes. Le MRND qui redoutait le verdict des urnes en face du MDR ne
demandait pas plus. L'affaiblissement du MDR l'arrangeait bien. Quant au FPR,
qui ne voulait à tout prix qu'une victoire militaire, digérait mal une
troisième force politique susceptible de l'amener à conclure un pacte de paix,
rendant ainsi son ambition militaire irréalisable.
De même, le PL (parti libéral),
dont le fondateurs était un homme d'affaires hutu, va être vite récupéré par le
FPR et tous les tutsi vont rallier ce parti politique. Quelques hutu (ils
étaient assez minoritaires) membres du PL, dans le but de faire un front
anti-tutsi, vont aussi se rallier au MRND. Pourtant, suite au manque de
clairvoyance politique, les responsables du PL avaient toujours passé sous
silence la monoethnicité des membres de leur parti. Tous les analystes
s'étaient déjà demandé l'avenir d'un parti politique dont presque tous les
membres étaient de l'ethnie minoritaire (tutsi) hormis son Président-fondateur
et ses quelques acolytes. C'est ainsi qu'à la veille de la reprise de la guerre
en 1994, la scission de ce parti avait déjà été presque officielle.
Le
troisième parti de l'opposition démocratique - le parti social démocrate (PSD),
tout comme le PL, profitait des erreurs et faiblesses du parti MDR pour
s'accaparer de ses membres. Devant cette situation, ce parti n'a jamais été
plus clair. Réputé trop proche des milieux FPR, mais aussi avec quelques
membres hutu qui jouaient le garde-fou, les leaders de ce parti vont se perdre
dans cette mascarade politicienne qui divisa les rwandais au lieu de les unir.
Voilà comment, au niveau national, sont né les deux fronts politiques antagonistes
qui, après la mort de Habyarimana, vont conduire à la confrontation physique et
quasi apocalyptique des deux ethnies.
Du point de vue militaire, comment
peut-on expliquer qu'un pays relativement bien organisé et dont l'armée avait
pu repousser l'agresseur (inyenzi-nkotanyi), arrive à se désintégrer ainsi?
Tout
d'abord, l'ancien parti unique n'avait pas fait grand chose pour l'unité des
rwandais. Le sens patriotique et du bien commun faisait absolument défaut.
Dès l'avènement de la seconde république en 1973, le régionalisme à peine voilé
s'est concrétisé par un discours arrogant des nouveaux dirigeants (qui ne
venaient que d'une seule région) ainsi que par une tendance à un matérialisme
trop poussé. C'est ainsi que l'armée rwandaise, au lieu d'être formée par de
bons citoyens de tout le pays et constituer une vraie force de défense
nationale: "les forces armées rwandaises (FAR)", elle était presque
formée par des éléments* de deux préfectures: Gisenyi et Ruhengeri.
Ce qui devait être "les FAR" était en réalité devenu les "FARG
(Forces armées de Ruhengeri et de Gisenyi)". Toutefois, il faut admettre
que la mort du président Habyarimana (chef suprême de l'armée) ainsi que celle
du chef de l'Etat major de l'armée rwandaise, survenues lors de l'attentat
contre l'avion présidentiel ont constitué un coup dur dans la désorganisation
de cette armée. D'un coup, le vide politique tant convoité par le FPR ,et qui
allait conduire à la disparition de l'Etat est apparu.
Il faut préciser que suite à ce
fléau du régionalisme qui avait d'ailleurs endeuillé une partie importante de
la population rwandaise après le putch militaire de 1973, le président
Habyarimana et son entourage (AKAZU) tenaient absolument à rester au pouvoir.
Il aurait déclaré qu'au lieu de céder le pouvoir aux hutu du sud (abanyenduga),
il le donnerait purement et simplement aux tutsi. Pour Habyarimana et son
AKAZU, l'ennemi politique numéro un était donc "les hutu du sud:
abanyenduga" et en dernier lieu venaient les tutsi. Politiquement parlant,
le Rwanda sous Habyarimana se caractérisait par trois forces
politico-ethno-régionalistes antagonistes: AKAZU, les hutu du sud
(abanyenduga), dont il n'a jamais eu une moindre confiance et les tutsi.
Toutefois, ces deux dernières n'étaient pas officiellement reconnues. Cela
montre à quel point les atrocités commises envers les leaders hutu de la
première république (abanyenduga) par le pouvoir Habyarimana le hantait encore. Ces quelques lignes
montrent également comment le chemin de la victoire du FPR a été préparé,
consciemment ou non, par Habyarimana et son entourage.
A tout cela, sont venues se greffer
les exigences de la Banque Mondiale et du FMI. Dans le cadre du programme
d'ajustement structurel que le Rwanda venait de signer, la réduction du personnel
de l'administration public était en pourparlers alors que les effectifs
militaires devaient être absolument réduits. On avait probablement oublié que
Timeo Danaos et dona ferentis. Cette démobilisation dans l'armée alors que le
pays était en pleine guerre a été soutenue par les différents partis politiques
d'opposition, non pas par ce qu'ils ne voyaient pas le risque, mais peut être
aussi parce que le commandement des FAR constituait un danger potentiel à la
démocratisation. Ce commendement soutenait sans réserve le régime Habyarimana.
La démobilisation ainsi que le rapprochement de certains partis d'opposition
avec le FPR ne pouvaient qu'abaisser le morale des troupes qui étaient déjà
minées par des divisions régionales. Malheureusement, ce parti pris et ce
manquement patriotique des chefs des FAR se retrouvent encore dans l'armée FPR.
L'armée est monoethnique et de fait soutient, défend et représente l'autorité
dictatorial tutsi de Kigali. C'est un vrai obstacle à toute tentative de
démocratisation du pays.
Il y a lieu de se demander encore
ce qui se serait passé si les FAR avaient pu contenir les éléments du FPR après
la mort du président Habyarimana. Si, comparativement à ce qui s'est passé
après la victoire du FPR, on est d'accord que la victoire des FAR pouvait
limiter les dégâts, presque tous les rwandais s'accordent à dire que ce
scénario aurait été également décevant en ce qui concerne le respect des droits
de l'homme. En effet, comme la garde présidentielle et les interahamwe étaient
devenus incontrôlables, rien ne présage que le massacre des opposants hutu et
des tutsi allait facilement s'arrêter. Aggravée et combinée avec le problème
régional, la situation de la mort de Habyarimana risquait de rendre la
population en provenance des régions du Sud du Rwanda encore plus malheureux
que le coup d'état de 1973. Toutefois, suite à cette situation incontrôlable de
la garde présidentielle et de la milice interahamwe, il serait aussi coquin
d'affirmer que leur action était bien longtemps et soigneusement planifiée.
Ceci ne vaut pas bien sûr le pardon pour les crimes qu'ils ont commis, mais une
planification minutieuse et encore par une armée bien encadrée ne conduit
jamais à une défaite imminente. Les tenants de la planification des massacres
avancent que les listes des personnes à éliminer circulaient partout.
Evidemment, la planification des massacres des opposants politiques, dont la
majorité était d'ailleurs des hutu, datait de longtemps*. Mais, affirmer qu'il y a eu une
planification des massacres systématiques des tutsi dans tout le pays, c'est un
pure mensonge. Actuellement, plusieurs coupables des deux parties des
belligérants qui ont exécuté des innocents circulent librement. Certains même
occupent des postes de très haute responsabilité dans les affaires politiques
du pays.
Toutefois, en ce qui concerne les
FAR et leurs alliés, il faut bien distinguer la planification et l'exécution
des massacres. Pour un peu comprendre, il faut situer l'événement dans son
contexte de guerre, avec des barrières partout dans Kigali. Dans une guerre où
la tactique privilégiée de l'ennemi n'était que l'infiltration, il était plus
que jamais nécessaire à la population civile d'organiser des rondes et des
barrières. Par exemple, les habitants de Kigali qui habitaient un même quartier
s'organisaient pour faire des rondes. Quant aux interahamwe, ils avaient mis
des barrières sur des carrefours stratégiques. Malheureusement, les interahamwe
ont été caractérisé par une indiscipline qui faisait passer par l'échafaud tous
ceux qui n'épousaient pas leur action. L'ennemi a été confondu avec la
population. Il est à noter que l'initiative des rondes est venue de la
population des divers quartiers de la capitale bien avant 1994, étant donné
l'insécurité qui sévissait dans Kigali. Malheureusement, la population en a été
victime en 1994, vu que pendant la nuit, on se promenait avec une machette
alors que l'ennemi utilisait des armes à feu. Etablir une liste de personnes
selon tel ou tel autre critère n'était qu'une question de secondes. Il n'y
avait donc pas d'état major pour centraliser ces listes qui n'étaient établies
d'ailleurs que sur des barrières. Cette tactique s'étant généralisée dans tout
le pays, il s'est avéré que certaines personnalités administratives ont
participé à l'élaboration de ces listes. Pour ces personnes, la responsabilité
dans cette affaire reste totalement personnelle. Certes, des coupables qui ont
exécuté des massacres de 1994 existent , mais pas des planificateurs.
Un essai de compréhension de cette situation
amène à donner des éclaircissements suivants. Le 6 avril 1994, c'est l'attentat
contre l'avion présidentiel avec la mort des deux présidents rwandais et
burundais. Suite à cet événement tragique et en même temps, la garde
présidentielle et les soldats FPR stationnés à Kigali commencent les massacres
des populations civiles. Bien que ces massacres ne soient en aucun cas
pardonnables, les premiers l’ont fait par fureur qu’ils n’ont pas pu contenir.
Pour les seconds, c’était une suite logique de leur plan de cette guerre. La
milice interahamwe renforça dès lors les barrages à travers toutes les rues de
la capitale. Le 9 avril 1994, c'est la proclamation du gouvernement Kambanda.
Ce gouvernement, qui devait être un gouvernement de crise fort a hérité une
situation déplorable. Pour contrer l'avancé du FPR, les interahamwe ont été
armé. Leur cible ne fut pas claire. Ils s'en prirent aux tutsi, aux opposants
politiques hutu et même des règlements de compte terrorisèrent tout le pays.
Des familles entières des hutu, même celles des officiers supérieurs* des FAR furent froidement abattues. Tout
cela a rendu la situation de plus en plus incontrôlable. Si on y ajoute la
boulimie de l'argent et des autres biens matériels, Kigali était devenu un
véritable théatre chaotique improvisé. Le jeune gouvernement se trouvait devant
des faits accomplis. S'il y a eu des planificateurs des massacres à grande
échelle, ils ne pouvaient que se trouver du côté FPR, qui avait planifié à son
aise la guerre et évalué toutes ses conséquences. Quant aux autres acteurs qui
se trouvaient à l'intérieur du pays (gouvernement, FAR, partis politiques et
leurs milices), leur responsabilité dans le massacre des tutsi réside dans
l'exécution et non dans la planification. Cette responsabilité est en outre
absolument individuelle.
Tout ce qu'on peut reprocher aux responsables politiques du
gouvernement hutu dirigé par Monsieur Kambanda*
, ils n'ont pas pu et/ou voulu arrêter à temps les massacres ethniques. Ils ont
par ailleurs armé les milices et par leur discours belliqueux, attisé les
haines. Dans la suite, leur discours appelant au calme n'a rien donné. D'un
côté, les interahamwe étaient devenus des maîtres absolus de la ville.
L'autorité de l'Etat (gouvernement) était devenue inférieure à celle des
interahamwe. De l'autre côté, le FPR avait aussi commencé son sale besogne de
nettoyage ethnique. C'était un chaos sanglant.
Il était bien sûr très délicat à ce gouvernement de maîtriser la
situation, étant donné qu'il ne contrôlait pas l'évolution militaire sur le
terrain. C'est pourquoi, les reproches formulés par la communauté
internationale à son encontre devraient être bien pesés. Cette communauté
internationale connaît d'ailleurs les conditions difficiles de son investiture,
puisqu'elle a participé activement à sa formation. Quoi qu'il en soit et quels
que soient les motifs des massacres des populations civiles survenus sous ce
régime et celui des inyenzi-inkotanyi, l'extermination de vies humaines n'est
pas un mode de gestion digne d'une société du vingtième siècle. N'ayant pas été
à même de se défendre correctement, les hutu ont même payé cher après la victoire du FPR. Cette défaite, assimilable à
tort ou à raison, à une lâcheté de la majorité
hutu est exploitée par certains médias de mauvaise foi, pour globaliser
la criminalité dans cette guerre à toute une ethnie. Au lieu de porter un
jugement sincère et sévère à tout le système du régime Habyarimana, qui a été
d'ailleurs longtemps soutenu par les occidentaux, on est en train d'incriminer
tout un peuple pourtant innocent. C'est pourquoi, la responsabilité devrait
être individuelle et non collective. En même temps, si l’on veut mettre à nu la
vérité rwandaise, il est absolument indispensable de déterminer la
responsabilité du FPR qui, soutenu par les pays extérieurs, a fait même
l’impensable aux hutu.
Notons également que la communauté
internationale s'est suffisamment rendue coupable dans tout ce qui s'est passé
au Rwanda. Du côté des sympathisants du FPR, ils n'ont jamais voulu entendre
parler du cessez-le-feu. Les USA ont même été catégoriques en refusant une
force d'interposition entre les belligérants. La prise de position de cette
communauté encourageait même l'intensification de la guerre. Du côté
gouvernemental et cela datait de longtemps, il faut savoir qu'aucune politique
ne pouvait être prise sans l'aval des puissantes ambassades étrangères
accréditées à Kigali. Rappelons que ces ambassadeurs*,
qui étaient averti de tout ce qui se passait au Rwanda, avaient participé à la
mise en place de ce gouvernement de crise et sûrement qu'ils ont continué à le
conseiller.
Par ailleurs, malgré que le Rwanda
était un des rares pays africains qui arrivaient encore à rémunérer son
personnel de l'administration publique, la crise économique que traverse le
monde n'avait pas épargné le pays. C'est ainsi qu'au lieu d'affronter l'ennemi,
la plupart des soldats avaient quitté leurs positions pour aller piller.
Kigali-la capitale (elle réunissait 69 % du commerce de gros et autant du
commerce de détail implanté dans les villes; elle avait aussi 70 % des
industries manufacturières implantées dans les villes et en 1991, elle
concentrait aussi 66,3 % des dépôts bancaires du pays), qui concentrait 21,6 %
des établissements[1] du tissu économique national, était ainsi
devenue le centre des pilleurs et des bombardements FPR. Ainsi, presque tous
les camps militaires des FAR s'étaient repliés**
sur la capitale, laissant ainsi l'ennemi progresser librement sur le territoire
national. Notons également qu'au lieu de créer des fronts réels de résistance à
l'agresseur, les autorités du gouvernement Kambanda ont incité la population
civile hutu à fuir l'avancée du FPR. Si tous les hutu morts au Zaïre, au lieu
de fuir, avaient pris les armes (les armes sophistiquées n'étaient pas
tellement nécessaires) et fait le maquis contre le FPR, la guerre au Rwanda
aurait pris une autre tournure. Mourir en combattant l'ennemi aurait été mieux.
Fuir est décidément un acte de lâcheté.
Il faut également ajouter l'embargo
sur les armes décrété par les Nations Unies contre les FAR en mai 1994.
Apparemment, cet embargo ne faisait que venir aggraver une situation militaire
presque irrécupérable***
sur le terrain. Ici, il y a toujours lieu de se demander si la communauté
internationale voulait la paix dans la région des Grands Lacs. Pourquoi n'a
t-elle pas imposé cet embargo à l'agresseur du Rwanda, même au début de cette
guerre en 1990? Pourquoi cet embargo, décrété par le conseil de sécurité par sa
résolution 918/1994 a été unilatéral alors qu'il était évident que la guerre
imposée au Rwanda venait de l'extérieur? Y-a-t-il y eu un laisser-faire ou une
complicité?
La
raison du plus fort est toujours la meilleure.
Depuis
que le FPR a pris Kigali par les armes en juillet 1994, cette victoire
militaire a été admise par la communauté internationale comme une victoire sur
tout un peuple. En effet, au lieu d'apaiser les esprits, le camp tutsi, alors
qu'il était sorti vainqueur, s'est vu reconnaître par cette même communauté
comme seul victime de la guerre. La bipolarisation hutu tutsi atteint ainsi son
paroxysme. La suprématie tutsi, alors que ces derniers restent assez
minoritaires, prit une telle ampleur que les hutu se sentirent menacés par le
simple fait d'être hutu. Des exactions sommaires, des disparitions inexpliquées
des hutu, bref des bavures des droits de l'homme à l'échelle nationale prirent
place. La communauté internationale sembla cautionner ces faits. Le FPR, sans
qu'il soit dénoncé, fut le seul interlocuteur officiciel et valable en ce qui
concerne les problèmes de développement du Rwanda. Jusqu'en 1999, rares sont
les voix qui ont osé dire la vérité sur l'Etat FPR.
Tout régime politique qui repose
sur la non transparence est tôt ou tard voué à sa propre destruction. C'est le
cas du régime Habyarimana qui cachait la réalité à la population. Cette
situation s'est aggravée avec l'attaque du pays en 1991. En effet, l'attaque du
Rwanda par l'Ouganda et par quelques éléments de la diaspora rwandaise a été
toujours masqué sous la désinformation. Du côté du régime Habyarimana, on a pas
voulu dénoncer haut et fort l'agresseur, croyant que la diplomatie rwandaise
allait triompher. Le résultat fut décevant. Habyarimana a, à plusieurs
reprises, rencontré officieusement le président Museveni. Leurs promesses, qui
avaient pour objet de coincer les rebelles tutsi et mettre fin à la guerre
n'ont pas été respectées. Habyarimana avait probablement oublié que le
président Museveni était lui-même un tutsi (hima). Rien n'a été révélé au
peuple rwandais à propos de ces rencontres.
Du côté FPR, dès les premières
heures d'agression du Rwanda, les attaquants criaient haut et fort qu'ils
luttaient contre le régime antidémocratique de Habyarimana. Soutenu par les
médias occidentaux qui avaient été corrompus, le FPR a caractérisé le régime du
feu président par tous les maux. La radio FPR y joua un grand rôle. Quelques
années à peine après la prise du pouvoir
par le FPR, force est de constater que son régime est décidément bâti
sur le mensonge. Ses promesses (démocratiques et économiques) ne sont restées
que lettre morte. Son régime risque fort de vivre le même sort que celui de son
prédécesseur. Pourtant, quelques heures avant cette attaque, le régime
Habyarimana était l'un des régimes africains les mieux cotés en Occident. D'où
est venu alors ce revirement brutal des occidentaux à 180°? Certains avancent
que le FPR avait corrompu les médias afin de discréditer le régime. Ah oui, les
médias forment actuellement un quatrième pouvoir souvent utile mais aussi
dangereux. Il est surtout très dangereux pour les pays progressistes qui
veulent se libérer de la domination impérialiste actuelle. Les dirigeants qui
veulent mettre en cause les rapports des anciens métropoles avec leurs pays
sont ainsi assassinés dans l'anonymat total, pourtant sous les yeux de cette
presse volontairement muette. C'est le cas de plusieurs présidents africains
progressistes dont l'inoubliable président bourkinabé SANKARA. En ce qui
concerne Habyarimana, il semble aussi que certains de ses sympathisants
occidentaux en avaient marre de lui. Vingt ans de règne, c'était assez.
Habyarimana était devenu un dictateur respectueux, qui arrivait même à
contredire ses pères occidentaux. Il fallait en finir avec lui.
Tout récemment encore, les
occidentaux ont voulu étendre ce qu'ils ont appelé "syndrome
Pinochet". En effet, profitant de la visite officielle que le président
Kabila du Congo effectuait en Europe en novembre 1998, ils ont voulu l'inculper
et l'arrêter. Ils avançaient que Kabila était un dictateur qui avait violé les
droits de l'homme dans son pays. C'est vrai que Kabila a fait piétiner
l'enquête sur les massacres des milliers de hutu au Zaïre. Il a chassé les
enquêteurs onusiens. Mais, les occidentaux oublient que c'est l'armée FPR qui a
fait ce génocide. De plus, cette armée était appuyée par ces mêmes occidentaux
qui aujourd'hui, veulent brouiller les pistes en nommant Kabila comme seul
responsable. Kabila était une marionnette mis à la tête de la rébellion, mais
les vrais responsables sont du FPR. C'est justement quand Kabila a voulu
s'imposer comme vrai maître du Congo et qu'il avait tourné le dos aux
occidentaux, qu'il a encaissé tous les maux. Pourquoi alors ces occidentaux ne
veulent pas être objectifs? Avec le syndrome Pinochet qui est actuellement à la
mode, gare aux chefs d'Etat des pays en voie de développement qui voudront se
libérer de la domination impérialiste des occidentaux. Ceci montre le point
faible des démocraties occidentales. Avec leurs médias qui sont superpuissants,
la justice revient toujours à celui qu'ils veulent et non à celui qui la mérite.
Dans la région des grands lacs,
après la tombée de Kigali en 1994, les pays occidentaux et leurs médias ont
continué de soutenir de prétendus groupes de rebelles (soldats FPR et
ougandais) qui ont attaqué le Zaïre, attisant ainsi le conflit ethnique dans la
région. Pour cacher de véritables coupables, ils ont diffusé sur leurs ondes
que la région est ravagée par une guerre civile. Ils ne pouvaient donc pas se
mêler des affaires internes des autres
pays indépendants. Pourtant, ils n'ont jamais arrêté de fournir des armes, des
munitions et des instructeurs à ces prétendus rebelles. Les américains ont même
été sur le champ de bataille à côté des mercenaires de Kabila. Entre-temps, des
milliers et des milliers de réfugiés rwandais mouraient. L'indifférence fut
totale. Ayant déjà décrété que l'Afrique subsaharienne était trop surpeuplée,
ils ont sûrement trouvé une politique démo-économique en leur faveur mais
destructrice pour la région. Les médias internationaux y sont pour quelque
chose. Ils nous désorientent souvent au lieu de nous informer. La
responsabilité dans le drame rwandais a par exemple été attribué seulement aux
hutu.
A notre avis, l'Afrique peut gérer
toute seule tous ces conflits. Elle n'est ni pauvre, ni mal équipée comme les uns veulent le faire
croire. Elle est manipulée par les puissances étrangères. Elle manque des
dirigeants dignes de ce nom, capables de la libérer. Elle est mal gérée à cause
surtout des intérêts impérialistes. C'est la vache à traire pour les puissances
occidentales. C'est pourquoi la plupart des dirigeants africains sont investis
au trône par ces puissances étrangères. Tout ce qui se passe aujourd'hui en Afrique
est commandité de l'extérieur mais la responsabilité est rejetée, à tort ou à
raison, sur les africains.
Après la prise du pouvoir par le
FPR en 1994, ses idéologues ont essayé de transformer l'histoire du Rwanda. Contrairement
aux croyances de leurs grands-pères, les jeunes de la diaspora tutsi nient
l'existence des hutu, tutsi et twa en tant que entités sociales indépendantes
les unes des autres. Tous les hutu ont été obligé, bon gré malgré, de
s'imprégner de ces nouvelles pensées idéologiques. Cela se faisait dans le but
de montrer qu'il n'y a pas de vrai problème hutu-tutsi. Sans vouloir nier
qu'effectivement ce problème doit être dépassé, nous pensons qu'il faut d'abord
reconnaître qu'il y a un problème et ensuite chercher sa solution. Chercher une
solution d'un problème socio-politique qui n'est pas bien posé, ou qu'on masque
volontairement dans le seul but de rester au trône, ne peut conduire qu'à un
imbroglio social dont les conséquences risquent d'être désastreuses.
Cette manière médiatique de gérer
la crise rwandaise ne facilite pas l'aboutissement à une meilleure solution: la
paix dans la région. Cinq ans après les événements regrettables du Rwanda, il
est malheureux de remarquer que ces mêmes médias continuent d'attiser le feu en
se posant de fausses questions relatives aux FAR (forces armées rwandaises).
Pourtant, ils n'ont jamais voulu lever l'ambiguïté et dire à ceux qui le souhaitent que les agresseurs du
Rwanda venaient d'un autre pays bien connu: l'Ouganda, qui les soutenait en
matériel et même en hommes. Pourquoi vouloir connaître la provenance des armes
d'une armée qui était régulière (FAR) et ignorer expressément la provenance des
armes des réfugiés tutsi dont l'acquisition et l'utilisation étaient d'ailleurs
théoriquement interdites par la communauté internationale? Etait-il possible que seuls les réfugiés
tutsi (sans la complicité des pays traîtres), avec des moyens de survie qu'ils
disposaient, eussent pu attaquer le Rwanda et le détruire complètement? Y
aurait-il eu des massacres (que les uns appellent même génocide) si le FPR
n'avait pas attaqué le Rwanda en 1990 et persisté dans une logique de guerre
jusqu'à sa victoire? Que les spécialistes du Rwanda répondent objectivement.
Qu'on se détrompe.
Plusieurs pays continuent d'avoir
de bonnes relations avec le FPR. De telles relations sont surtout renforcées
par les soi-disants spécialistes du Rwanda. Ils donnent des informations,
vraies ou erronées, à leurs gouvernements respectifs, sur l'état actuel de la
gouvernance FPR. Malheureusement, presque tous les touristes occidentaux ayant
à peine mis leur pied au Rwanda se sont déclarés ou se sont vus attribuer le
titre de "spécialiste du Rwanda".
C'est ainsi que des hommes et des femmes qui, à peine connaissaient le pays
avant la guerre, ont pris leurs plumes et écrivent des pages et des pages sur
le pays des mille collines. Mais, de quelle valeur sont tous ces écrits? Différente bien sûr, mais ... Pour éviter de
scandaliser les uns et les autres, j'invite les amis qui ont connu le Rwanda
d'hier et qui connaissent le Rwanda d'aujourd'hui, de les juger avec toute
objectivité. La méconnaissance des réalités rwandaises avant et après la guerre
constitue un vrai handicap pour une réaction valable de tous les occidentaux.
Malheureusement, tous les contours de la solution au problème rwandais passent
par eux. Les spécialistes du Rwanda ne sont pas nombreux. On peut même
affirmer, à de rares exceptions près, que tous ceux qui se sont vus attribuer
ce titre ne le sont réellement pas. Pourtant, ils sont nombreux. La preuve est
que, si ces spécialistes existaient réellement, ils auraient pu, bien avant le
mois d'avril 1994, élaborer des scénario probables sur l'agression que le
Rwanda venait de vivre pendant plus de trois ans. Cela pouvait limiter les
dégâts et actuellement, il y aurait de quoi se féliciter. Rien n'a été fait
justement puisque personne ne comprenait rien et donc n'était spécialiste du
Rwanda. Qu'on se détrompe alors. Actuellement, ces soi-disant spécialistes du
Rwanda ou encore des Grands Lacs sont divisés eux-mêmes en plusieurs camps. Les
uns chantent la bonne gouvernance du FPR et les autres, qui y voient peut-être
plus clair, ont déjà lancé un appel de détresse. Effectivement, quand ils
comparent le régime FPR avec le régime dictatorial de Habyarimana, ils ne
trouvent presque pas de différence hormis le changement des figures au pouvoir.
Les rwandais ne peuvent pas participer à la vie nationale et donc faire de la
politique. Certains analystes disent même qu'entre les deux régimes, le premier
serait le meilleur. C'est vrai que le pouvoir Habyarimana était dictatorial,
mais au moins la liberté de presse, surtout de l'opposition, était manifeste.
En plus, depuis que le Rwanda existe, même sous le régime des monarques tutsi
les plus cruels que le Rwanda ait jamais connus, il n'y a jamais eu autant de
disparitions inexpliquées de personnes de l'ethnie opposé à celui au pouvoir.
Si le FPR continue de semer la tempête, il récoltera aussi la tempête. Les médias
occidentaux pro-FPR ne devraient plus tromper personne. Le régime FPR doit et
devra être jugé par ses actions. Plus d'illusions.
* Le FDC (Forces Démocratiques de Changement): organisation qui regroupait les partis politiques MDR, PL et PSD
* En réalité, le terme hutu moderé utilisé par les occidentaux ne veut rien dire. En effet, derrière le terme hutu ne se cache aucune forme d'idéologie. Peut-être que les enfants nés des parents hutu et tutsi peuvent se réclamer de moderés à cause de leur croisement ethnico-parental, mais ici aussi, leur modération serait plutôt biologique qu'idéologique. Elle n'aurait pas de place dans le cas qui nous préoccupe. Les étrangers devraient donc comprendre qu'on est hutu ou tutsi par le sang. Donc, on est hutu ou on ne l'est pas. Ça ne se négocie pas.
* La quasi totalité des officiers des forces armées rwandaises était formée exclusivement par les militaires issus des deux préfectures: Gisenyi et Ruhengeri. Interrogé à ce propos par les journalistes, le président Habyarimana avait d'ailleurs répondu que les militants des autres préfectures ne semblaient pas aptes à ce métier. Ainsi, selon les privilèges qu'on leur accordait, certains officiers et sous-officiers n'avaient jamais été sur le champ de bataille. Pourtant, la guerre faisait rage dans le Nord du pays depuis trois ans. Cette situation des privilégiés du régime se rencontrait aussi dans l'administration publique. Un cas parmi tant d'autres est celui de la diplomatie rwandaise, où la représentation de ces deux mêmes préfectures était assurée à presque 100 %, la préfecture de Ruhengeri se taillant la part du lion. Face à la guerre médiatique que les inyenzi avaient engagée en parallèle avec la guerre des canons, il a fallu que le peuple rwandais s'élève et dénonce fermement la médiocrité de la diplomatie rwandaise pour que le président Habyarimana reconnaisse cette situation.
* Cette planification s'explique d'ailleurs par des massacres des opposants politiques directement après l'assassinat du président Habyarimana. C'est justement après avoir massacré ces opposants politiques, dont la presque totalité était d'ailleurs des hutu, que le vent mortuaire s'est abattu sur la population tutsi.
* Les massacres ont touché tout le monde comme une tempête dans un océan. A un certain stade des massacres, les interahamwe, qui étaient dans plusieurs quartiers, considéraient les gens qui fuyaient la ville comme des déserteurs. Ils se considéraient eux-mêmes comme des résistants.
* Après l'attentat contre l'avion de Habyarimana, la garde présidentielle ainsi que les inyenzi-inkotanyi ont commencé de massacrer les gens. Monsieur Kambanda, tout comme plusieurs autres hutu qui habitaient le quartier où était cantonné le contingent FPR et ses environs, avait trouvé refuge dans le camp de la gendarmerie de Kacyiru. Quand les militaires sont venus le chercher pour assumer la fonction de premier ministre, il semble qu'il a dit ses adieux à ses proches et depuis lors, tout le monde le croyait disparu pour de bon. Jusqu'à sa nomination officielle à ce poste, il suivait donc peureusement les massacres comme tous ses voisins. Sans toutefois vouloir être l'avocat du diable, cela diminue irrémissiblement la probabilité de sa participation dans la programmation du génocide.
* La commission d'enquête parlementaire belge sur le Rwanda a révélé que la Belgique était bien informée, heure par heure, sur tout ce qui se passait dans le pays. Presque tous les agents belges affectés à la coopération au Rwanda jouaient aussi le rôle d’informateurs officiels du gouvernement belge.
[1] Articulation de l'Impératif Urbain avec le Développement Régional, H. B. CHAABANE, CYIZA P. et al., Miniplan, Kigali, Novembre 1992
** On a difficilement compris et digéré, comment dans un délai de moins d'un mois après la reprise des combats d'avril 1994, toutes les casernes des FAR situées à GABIRO, RWAMAGANA, HUYE (Kibungo), GAKO, ..., avaient été occupées par le FPR et apparemment sans aucune moindre résistance.
*** L'embargo des armes contre le gouvernement Kambanda a été décrété unilatéralement par le Conseil de Sécurité de l'ONU dans la première moitié du mois de mai 1994. Le FPR occupait déjà une bonne partie du pays. Par ailleurs, il faut reconnaître que l'embargo des Nations-Unies n'a jamais inquiété aucun pays bien organisé. Même la Somalie qui, militairement avait directement à faire face aux américains a pu majestueusement se tirer d'affaire. Il y avait donc lieu de contourner cet embargo si les autorités militaires et civiles avaient été réellement responsables dans cette guerre.