Rwanda. Les piliers immatériels du régime dictatorial de Paul Kagame

31 janvier 2017
Emmanuel Neretse
 
kagame clinctonLe régime du FPR qui règne sur le Rwanda depuis 1994 est issu d’une conquête militaire initiée de l’extérieur et imposé  à la population conquise.  Il n’a donc aucune légitimité sauf celle qu’il voudrait se forger et qui repose sur un fait discutable : « avoir arrêté un génocide ». Ce régime cruel et donc forcément impopulaire, est maintenu à bout de bras par tous les moyens possibles et imaginables (juridiques, militaires, diplomatiques, …), contre toute logique, par les puissances qui l’ont pensé depuis leurs bureaux de Washington, Londres ou Bruxelles, et qui ont tenté l’expérience de l’installer au Rwanda.

L’impunité dont les agresseurs ont joui et dont le régime qui en est issu continue de jouir de la part de ce qui est appelé la « communauté internationale » et le traitement de faveur dont il est l’objet, sont devenus scandaleusement historiques.

Dès le départ, l’agression dont fut victime le peuple rwandais le 01octobre1990 de la part des éléments tutsi de l’armée régulière de l’Ouganda était une  violation flagrante du droit international. L’Etat de l’Ouganda, membre des Nations Unies, venait bel et bien d’agresser le Rwanda lui aussi membre des Nations Unies en l’attaquant avec ses troupes régulières[1]. Non seulement, le Conseil de Sécurité de l’ONU censé trancher dans une telle situation dans sa mission d’assurer la paix ne voulut pas s’en saisir, et une fois saisi, considéra  le cas comme un « conflit interne ». Pourtant, cette agression foulait aux pieds même les principes de l’ONU en matière de réfugiés tels qu’ils devraient être défendu par le  HCR qui est l’une de ses agences. L’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), ancêtre de l’actuelle Union Africaine, avait, elle, adopté une Convention  en matière des réfugiés.

La Convention de l’OUA de 1969 régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique, en son article 3, stipule que : « Un réfugié doit d’abstenir de tous agissements subversifs dirigés contre un état membre de l’OUA ».

L’alinéa 2 du même article 3 impose aux états signataires le devoir «  d’interdire aux réfugiés établis sur leurs territoires respectifs d’attaquer un quelconque état membre de l’OUA… ».

Mais simple coïncidence ou bon choix du moment ? En octobre1990, quand le Rwanda fut agressé par l’Ouganda, qui l’a envahi avec des éléments tutsi de son armée régulière, l’OUA était présidée par …Yoweri Museveni, le président de l’Ouganda. Tandis que le Secrétaire Général de cette organisation était un tanzanien du nom de Salim Ahmed Salim. Ce dernier était non seulement lié par alliance aux éléments tutsi de l’armée ougandaise qui venaient d’envahir le Rwanda mais aussi était un ancien collègue de Museveni à l’Université de Dar Es Salaam et étaient restés amis quand Museveni était encore au maquis et Salim Premier Ministre de Tanzanie. C’est donc avec peine que le Rwanda pouvait faire entendre sa voix au sein de l’OUA car si Salim Ahmed Salim n’omettait pas tout simplement de mettre cette question à l’ordre du jour, Museveni s’employait à convaincre ses pairs que la question était interne au Rwanda.

Après quelques mois de guerre, la victime commença à être présentée comme bourreau. Le gouvernement rwandais d’alors fut mis sous pression jusqu’à reconnaitre l’entité politique issue du Corps Expéditionnaire de l’armée de l’Ouganda comme un interlocuteur politique avec qui il devait discuter des affaires du Rwanda. Les pressions unilatérales furent si énormes que le régime Habyarimana dut  céder pour instaurer le multipartisme en plaine guerre (en fait donner libre cours aux complices des agresseurs d’opérer légalement et au grand jour à l’intérieur) ce qui équivalait à se faire harakiri. Et quand vint le moment des négociations avec les agresseurs, leur interlocuteur qui devait être le « gouvernement rwandais » n’était qu’un conglomérat de personnalités dont beaucoup étaient liées aux envahisseurs et d’autres mues par leurs intérêts égoïstes. Ce conglomérat qualifié de « gouvernement de coalition » ne pouvait non seulement pas présenter une position commune et ferme aux agresseurs,  mais encore dénonçait à ceux-ci, ceux des vrais patriotes et républicains démocrates qui tentaient de s’opposer à la conquête. Ils étaient soit politiquement neutralisés, ou alors simplement physiquement éliminés.

Les négociations dites d’Arusha furent donc biaisées et l’Accord qui  en sortit était léonin. Les assaillants du FPR raflaient presque toute la mise que ce soit politiquement ou militairement. Malgré toutes ces concessions, ces assaillants s’en moquaient comme la suite allait le révéler.

Les générauxMarcel Gatsinzi,  Roméo Dallaire, et Frank Mugambage

Les générauxMarcel Gatsinzi, Roméo Dallaire, et Frank Mugambage

La force de l’ONU dite MINUAR (Mission des Nations Unies pour l’Assistance au Rwanda) sous le commandement du général canadien  Roméo Dallaire et qui était censée aider à « implémenter » cet accord avait en fait une mission secrète à savoir aider les assaillants venus d’Ouganda à infiltrer la capitale rwandaise et à être prêts à s’emparer des positions stratégiques le moment venu pour l’assaut final.  Cet assaut final fut déclenché le 06 avril 1994 par l’attentat terroriste qui coûta la vie au Président Juvénal Habyarimana et à son homologue burundais Cyprien Ntaryamire et leurs suites quand l’avion qui les ramenait à Kigali fut abattu par deux missiles sol-air tirés par un commando de l’APR, le Corps Expéditionnaire de l’armée ougandaise qui avait envahi le Rwanda en 1990. Aussitôt après, ses éléments installés ou infiltrés dans Kigali commencèrent à se livrer aux assassinats ciblés et à occuper certaines positions stratégiques de la capitale avec l’aide de la MINUAR, tandis que d’autres unités de combat étaient envoyées en renfort depuis l’Ouganda. Le territoire  rwandais fut alors conquis systématiquement, colline par colline, jusqu’ à ce que ce Corps Expéditionnaire qui était venu d’Ouganda en octobre 1990 s’en empare entièrement. C’était en juillet 1994.

Mais cette conquête s’est effectuée au prix de milliers de morts. D’une part, le Corps Expéditionnaire venu d’Ouganda rasait sur son passage des collines entières habitées par des Hutu. D’autre part, certains Hutu dans la panique et le chaos généralisé, s’en prenaient  aux Tutsi ayant envoyé leurs enfants en Ouganda grossir les rangs des assaillants ou ayant manifesté des sympathies envers eux.

Paradoxalement, après la conquête du Rwanda par ces éléments tutsi mais de nationalité ougandaise car membres de son armée régulière, la Communauté Internationale (en fait les puissances qui ont pensé et décidé du sort du Rwanda) a mis les victimes de cette conquête sur le dos de la population conquise en l’accusant d’avoir commis « un génocide » ! Pire encore, cette même « Communauté Internationale » semble avoir avalisé la tentative des conquérants de se donner une quelconque légitimité. En effet, les conquérants venus d’Ouganda ne disent pas dans leurs discours officiels qu’ils ont conquis le Rwanda par les armes venant d’Ouganda,  mais ils disent qu’ils seraient venus pour « y arrêter le génocide » !

Face à ce constat, on peut alors se demander pourquoi  en est-on arrivé là. Pourquoi cet aveuglément de certaines puissances jusqu’à ériger le mal en vertu quand il s’agit du Rwanda et persévérer dans l’erreur contre toute logique ?

Dans les capitales des puissances qui décidaient  du sort du monde en 1990, le cas du Rwanda a été pris comme un cobaye de laboratoire avec ce postulat: peut-on faire revenir la minorité au pouvoir dont elle fut chassée 30 ans auparavant ? La réponse des analystes fut : « OUI, à condition  de la soutenir militairement et de ne pas tenir compte des ‘‘dégâts collatéraux’’ » (massacres interethniques qui accompagneraient la conquête et les représailles qui la suivraient). Le feu vert fut donc donné avec ordre de tout faire pour que la minorité soit réinstallée au pouvoir au Rwanda quels que soient les dégâts collatéraux. La mise en exécution de cette décision fut la guerre enclenchée en 1990 et son aboutissement en1994.

Le régime actuel installé au Rwanda en 1994, constitue donc un bébé-éprouvette né dans les labos des puissances occidentales. Celles-ci doivent tout faire pour qu’il ne meurt pas prématurément,  pour qu’il grandisse. Elles continuent de tout faire pour que ce régime artificiel s’affirme. Son échec, serait un échec personnel de ceux qui l’ont conçu. Insupportable tant qu’ils en auront les moyens.

Quelles en sont les piliers immatériels ?

Les médias et les ONG: Les puissances « faiseurs de rois » à travers le monde mais surtout en Afrique savent qu’aucun régime ne peut survivre s’il est la cible des grands médias internationaux et si les ONG sous leurs contrôles l’accusent systématiquement. De même, elles savent que tant qu’un régime même le plus dictatorial, le plus criminel, le plus corrompu d’Afrique, tant qu’il a les médias de son côté qui ne présentent que la belle facette de sa nature et même en exagérant et en même temps que les principaux ONG ne peuvent oser critiquer ou produire des rapports recommandant des sanctions, ce régime ne pourrait être renversé par ses éventuels opposants.

Dans le cas du régime installé au Rwanda en 1994, comment fonctionnent ces piliers (médias et ONG) ?[2]

Les grands médias du monde peuvent être rangés dans trois catégories : ceux qui sont sous le contrôle étatique, ceux qui appartiennent aux  magnats de la presse mondiale  et enfin ceux qui peuvent être qualifiés « d’indépendants ».

Les médias sous contrôle étatique reçoivent tout simplement des consignes indiquant ce qu’ils doivent dire ou ne pas dire concernant tel ou tel pays. En ce qui concerne le Rwanda par exemple ce n’est pas la RTBF ou France 2 qui oseront contredire les thèses officielles du régime Kagame.

Tandis que les médias sous contrôle des lobbies pro-tutsi et qui sont les plus nombreux et les plus puissants, leur ligne éditoriale est imposée en avance par les magnats de la presse à qui ils appartiennent. Ainsi par exemple RTL, France24, CNN,… pour se limiter à l’audiovisuel, ont comme ligne éditoriale, non seulement de ne jamais critiquer le régime du FPR de Kagame mais encore de faire sa promotion à toute occasion qui s’offrirait.

Enfin, les médias dits « indépendants » sont chaque fois approchés par les lobbies pro-tutsi qui leur indiquent comment se comporter face au régime de Kagame moyennant payement. Ils deviennent alors des caisses de résonnance de ces lobbies.

En ce qui concerne les ONG, il faut savoir que celles-ci sont financées par certains états souvent ceux-là même qui ont décidé de tenter l’expérience du FPR au Rwanda. C’est dans cette catégorie qu’il faut classer les agences de l’ONU et ses Commissions aux titres ronflants mais vides de sens : « Commission des Nations Unies aux Droits de l’Homme, de l’Enfant, de la Femme etc… ». Elles ne sont que des instruments des puissances qui les financent et ne dénoncent que ceux qui sont pointés du doigt par ces puissances. Quant aux autres ONG, elles sont financées par les magnats de la finance ou des célébrités politiques et médiatiques qui, souvent ont été mis en contact avec Paul Kagame par l’intermédiaire des mêmes lobbies à la base de la conquête du Rwanda (George Soros, Bill Clinton, Tony Blair…).

Conclusion et recommandations

On ne peut prétendre renverser un tel régime sans d’abord s’attaquer aux piliers qui le soutiennent. Tant que l’opposition ne sera pas à mesure de dénoncer dans les médias les crimes et autres violations des droits de l’homme du régime du FPR de Paul Kagame, et tant que ces médias ne  pourront pas en faire écho dans l’opinion, tout effort pour le renverser ou le faire infléchir sera vain car non justifié devant l’opinion. De même, tant que les Organisations de défense des droits de l’homme ne dénonceront pas les violations que commet le régime du FPR de Paul Kagame et ensuite recommander des sanctions comme elles sont promptes à le faire pour des régimes beaucoup plus démocratiques (Burundi, RDC,…), le régime continuera à agir impunément. Car, contrairement aux apparences, le régime du FPR de Paul Kagamé est très fragile car bâti sur ces deux piliers : le mensonge et la dissimulation. Ce régime ne tiendrait pas quelques mois face à une campagne médiatique de dénonciation publique de ses crimes et violations des droits de l’homme. On a vu comment une seule émission d’un seul média britannique l’a fait trembler sur ces bases. On s’imagine ce qu’il adviendrait si chaque soir toutes les télévisions du monde diffusaient des reportages dénonçant ces crimes. Ensuite, vivant essentiellement des aides extérieures dispensées sans compter et sans condition, le régime ne survivrait pas à des sanctions, même ponctuelles, de certaines puissances. On a vu comment, à la suite de menaces de sanctions pour son soutien au M23, l’atmosphère était à la panique à Kigali, ce qui l’a contraint à le lâcher.

Toute opposition devrait donc se donner pour objectif (même platonique) et s’en donner les moyens,  de tout faire pour que les crimes du régime du FPR de Paul Kagame soient dénoncés dans les médias et que les ONG demandent que des sanctions soient prises contre ce régime. Les formations de l’opposition ont suffisamment de cerveaux qui peuvent étudier comment contourner ou escalader le mur qui protège le régime du FPR de Paul Kagame contre toute critique et toute dénonciation de ces crimes. Les autres moyens de lutte seraient alors alignés dans la foulée mais pas avant, sinon ce serait « mettre la charrue avant les bœufs ».

Emmanuel Neretse


[1] Le Corps expéditionnaire qui a envahi le Rwanda le 01 octobre 1990  était commandé par des officiers de l’armée régulière de ce pays et qui occupaient encore des hauts postes de commandement dans l’armée.

Avec de tels grades et rangs dans l’armée régulière de l’Ouganda, il serait farfelu de devoir faire des recherches sur l’origine de leurs parents pour déterminer s’ils étaient ou non « Ougandais » et donc exonérer l’Etat ougandais d’avoir agressé l’Etat rwandais. C’est pourtant ce à quoi se sont adonnées l’OUA et l’ONU et l’ont réussi.

[2] Les médias engagés pour le régime tutsi du Rwanda. Audio-visuel : France 24 (France), TV5 Monde (France), RFI (France), RTBF (Belgique), RDI (Canada), CNN, (USA), VOA (USA), BBC (GB), DW ((Allemagne). Presse écrite : Libération (France), Le Figaro (France), Jeune Afrique (France), The New York Times (USA) Washington Post (USA), Le Soir (Belgique), La Libre Belgique (Belgique).

Les ONG complices du régime tutsi du Rwanda : FIDH (France), Survie (France), LICRA (France), SOS Racisme (France), Amnesty International (GB), HRW (USA).  Les agences de l’ONU comme : le Haut Commissariat pour les Réfugiés (HCR), le Haut Commissariat aux Droits de l’Homme (HCDR), la Cour Pénale Internationale (CPI).