Marianne
D’anciens soldats de l’armée patriotique du Rwanda, le bras armé du Front patriotique rwandais de Paul Kagamé, et un survivant tutsi, sauvé par des soldats français, livrent de nouveaux éléments sur un épisode clef du génocide rwandais qui vaut aux forces de l’opération Turquoise d’être pointées du doigt.Certains en ont fini avec la tragédie rwandaise, un des pires génocides contemporains (800 000 morts, principalement tutsis), survenu en 1994 dans un pays où le feu couvait depuis des années. C'est le cas de la justice française qui l'an dernier a refermé une instruction vieille de vingt ans et visant plusieurs proches du dictateur Paul Kagamé, maître du pays depuis la fin des massacres et la victoire de son Front patriotique rwandais (FPR). Ils étaient soupçonnés avoir joué un rôle actif dans l'attentat meurtrier contre l'avion du président hutu Juvénal Habyarimana, le 6 avril 1994, événement présenté comme déclencheur du génocide. « Preuves insuffisantes » ont finalement tranché les magistrats, soulagés de se débarrasser d'un « boulet » réputé plomber depuis trop longtemps les relations entre la France et un Etat phare d'un certain miracle économique africain.
D'autres, avec plus ou moins de sincérité, portés par de fortes convictions supposément anticolonialistes et une compassion pour les victimes tutsies interdisant le moindre doute, poursuivent un combat dont la France, « complice », estiment-ils, des génocidaires hutus, reste le seul et principal objectif. Et gare à qui ne partage pas leur credo, en partie ou en totalité, et se voit immédiatement qualifié de « négationniste ». A leurs yeux, et en dépit d'années de recherches sur le sujet, les deux journalistes et essayistes auxquels Marianne donne aujourd'hui la parole, appartiennent à cette catégorie infamante. Journaliste canadienne, ayant travaillé aussi bien pour RFI que le quotidien anglophone Globe and Mail, Judi Rever n'a jamais cessé d'interroger l'angle mort du génocide et y a d'ailleurs consacré un ouvrage, Praise of blood, the crimes of the Rwanda patriotic front, récompensé par de nombreux prix. Convaincue depuis longtemps que le FPR de Paul Kagamé n'a pas les mains aussi propres qu'il le prétend, elle va aujourd'hui plus loin et l'accuse d'avoir pris part aux massacres des Tutsis, en infiltrant les milices du Hutu-Power. Avec un objectif politique conduit en tout cynisme : s'imposer comme le seul recours légitime face aux génocidaires. Elle s'attache tout particulièrement à un épisode central du génocide, le massacre, sur les collines de Bisesero, de plusieurs dizaines de milliers de Tutsis pour lesquels les militaires français n'auraient pas levé le petit doigt. Basée sur de nombreux témoignages, nécessairement anonymes en raison du climat de peur que Kagamé fait régner chez ses opposants exilés à l'étranger, c'est son enquête.
Mais elle s'inscrit dans le fil de celles que notre collaborateur Pierre Péan, mort en juillet dernier, a mené sans relâche, malgré les campagnes d'insultes et d'intimidation. « Fils spirituel » du disparu, le journaliste franco-camerounais Charles Onana a, lui, publié pas moins de six ouvrages sur la tragédie. Dans le même état d'esprit : ne pas céder à la seule loi de l'émotion et examiner les faits avec les outils de la raison. Dans un entretien avec Marianne (publié dans notre numéro double de fin d'année actuellement en kiosques), il revient sur son dernier ouvrage, La vérité sur l'opération Turquoise où il démonte les accusations contre la France et comment le FPR en a fait son miel.
Le débit de Martin, normalement rapide et assuré, change tout d’un coup lorsqu’il parle de Bisesero, au Sud-Ouest du Rwanda, en 1994. « Ils ont tué mon père et ma mère. Ils ont tué mes deux sœurs, mon frère aîné et mon plus jeune frère », dit-il d’une voix faible et mal assurée. « Ils les ont massacrés à la baïonnette, à la grenade et avec des houes. Je n’ai pas pu les enterrer et lorsque j’ai découvert qui étaient les responsables ce fût une pure torture psychologique.»
Pendant vingt-cinq ans, Etats et médias internationaux ont fait de Paul Kagamé le libérateur d’un pays poussé au bord de la folie en 1994. Des chercheurs du monde entier ont essayé, à grand peine, de comprendre comment tant de Tutsis ont pu être exterminés si rapidement dans ce petit pays d’Afrique centrale, en l’espace de cent jours. D’après l’histoire officielle, telle que rapportée dans les livres et par les survivants du Rwanda étroitement contrôlés par Kagamé, c’est le précédent gouvernement hutu et ses bourreaux volontaires qui décidèrent d’exterminer la minorité tutsie à la machette, dans une tentative désespérée pour se maintenir au pouvoir.
Alors qu’il y a quelques désaccords
sur l’estimation du nombre de
victimes tutsies, entre 500 000 et
un million, il n’y a pas de
controverse historique sur le niveau
de brutalité et l’ampleur de la
disparition des Tutsis d’avril à
juillet 1994. Bisesero, fief tutsi
où des dizaines de milliers de
victimes furent tuées à la hache, à
l’arme à feu ou brûlées par des
hordes de tueurs, est régulièrement
cité comme exemple de la forme la
plus « pure » du génocide des Tutsis
en 1994
Et
pourtant, pour Martin, l’identité de
l’organisateur et responsable ultime des
massacres abominables de Bisesero ne fait
aucun doute. Il affirme que le cerveau en
était Paul Kagamé lui-même.
Dans ce
pays où Hutus et Tutsis se ressemblent
quelquefois beaucoup, partagent la même
langue et la même culture, Kagamé et ses
chefs militaires mirent au point une
stratégie d’ « intoxication » qui passera à
la postérité.. Au cours de leurs actions,
les soldats tutsis de Kagamé se
dissimulaient sous l’uniforme de la milice
hutue pour s’en prendre aux civils. La
terreur engendrée par le carnage provoqua
autant d’horreur que de dégoût sur place et
à l’étranger, donnant au FPR le capital
politique nécessaire à la réalisation de ses
ambitions nationales et internationales.
Martin et
quatre autres soldats de Kagamé affirment
aujourd'hui que des commandos issus des
bataillons du FPR ont infiltré la milice
hutue et ont sauvagement massacré les Tutsis
de Bisesero. Ils les décrivent enlevant les
Tutsis chez eux ou les poussant des collines
dans les ravins à l’aide de houes et de
gourdins improvisés, de matraques plantées
de clous et de métal coupant, frappant les
victimes à la tête et au cœur.
Mes
sources, qui m'ont pratiquement toutes
réclamé un total anonymat pour des raisons
de sécurité évidente, établissent que des
centaines de membres des commandos FPR
effectuèrent une descente sur Bisesero et
les zones environnantes de Mumubuga,
Uwingabo, Mataba, Kagari, Ngoma, Muyira et,
au-delà, dans la région de Kibuye. Aux côtés
de la milice hutue dite Interahamwe, ces
commandos lancèrent une série d’attaques
initiales dans la région, du milieu à la fin
du mois de mai 1994, au plus fort du
génocide. La milice Interahamwe était la
jeune garde du parti au pouvoir du président
Juvenal Habyarimana, le MRND, (Mouvement
révolutionnaire national pour le
développement) dont de nombreuses recrues
étaient au chômage, exilées et affamées. Il
est également avéré que des commandos du FPR
avaient infiltré les milices des partis
hutus d’opposition.
Les cadres politiques
Les cadres civils du FPR, appelés « abakada
», travaillaient sur le terrain avec les
responsables hutus de divers partis
d’opposition comme le PL, le PSD et le MDR
pour assurer l’infiltration des milices
hutues. D’après les témoignages, ces
responsables facilitaient la fabrication de
fausses cartes d’identité hutue ainsi que de
fausses cartes de membre du MRND pour les
commandos.
D’après
les soldats interrogés, les cadres
supérieurs du FPR qui supervisèrent les
opérations de Bisesero étaient de la
préfecture de Kibuye. Dans les mois
précédant le génocide, ces cadres tutsis
stockèrent des grenades et des armes
traditionnelles chez eux et convainquirent
d’autres Tutsis d’en faire autant.
Selon les
témoins toujours, l’effectif des commandos
déployés au Rwanda atteignait plusieurs
milliers. Ils comprenaient des membres
tutsis du FPR se faisant passer pour des
Hutus et des Hutus recrutés pour suivre une
formation commando par des cadres de leur
ethnie mais opposés au gouvernement
Habyarimana. C’est parce qu’ils voulaient
affaiblir le gouvernement Habyarimana sur le
terrain, comme aux yeux de la communauté
internationale, que ces représentants de
l’opposition participèrent à cette
infiltration, main dans la main avec le FPR,
même si on ne peut vraiment établir que ces
opposants hutus étaient complètement avertis
de la stratégie visant à l’extermination.Les
Tutsis de l’intérieur, c'est-à-dire ceux
vivant au Rwanda par opposition à ceux qui
grandirent comme réfugiés en Ouganda, au
Burundi, au Congo et en Tanzanie, furent
sacrifiés sur l’autel des vastes ambitions
du FPR.
Kagamé s’est servi des Tutsis de l’intérieur
comme d’une passerelle pour atteindre le
pouvoir. Il a tué les Tutsis puis a fait
tout son possible pour convaincre le monde
que les seuls responsables étaient les Hutus
», déclare James Munyandinda.
Débutée en février 1992, la formation des
commandos se termina en août 1993. Le FPR
les entraîna secrètement par vagues, d’abord
dans un endroit du nom de Kavu, au Nord du
Rwanda, puis dans la vallée proche de
Karama, au sein d’une bananeraie. «
Ils tiraient, couraient, sautaient, un
groupe après l’autre. Parfois 80 à la fois,
parfois 200, ou même 300. » A la fin
1993, explique un officier supérieur, les
commandos constituaient un groupe très
important. Les soldats affirment que
plusieurs milliers de jeunes hommes
suivirent la formation commando et furent
déployés à Kigali et dans tout le Rwanda en
janvier 1994, prêts à agir après
l’assassinat d’Habyarimana le 6 avril 1994.
Cinq témoins au courant du détail de
l’opération de Bisesero expliquent qu’un
capitaine surnommé « Kiyago » était le chef
des commandos de Kagamé. James Munyandinda
précise : «
Par radio, Kabarebe recevait matin et soir
directement de Kiyago les rapports des
activités sur le terrain. »
Le capitaine Kiyago est cité comme l’auteur
de crimes graves dans un rapport
d’investigation confidentiel de l’ONU. Il
est connu, parmi d’autres, pour avoir
infiltré la milice hutue pour le compte du
FPR et pour avoir directement participé à la
tuerie des Tutsis. En 2008 il fut inculpé
par un juge espagnol pour activités
terroristes concernant des faits commis
avant le génocide. En dépit de l’inculpation
en Espagne et de l’enquête menée par le TPIR
(Tribunal pénal international pour le
Rwanda) Kiyago rejoignit la force de paix
conjointe UN-Union Africaine au Darfour en
tant que directeur des transports, de 2009 à
2011. Les anciens collègues de Kiyago le
décrivent comme sadique et dangereux. «
C’était quelqu’un prêt à n’importe quoi pour
se mettre en avant et Kagamé s’est souvent
servi de lui », dit un officier qui l'a
connu lors des premiers combats communs dans
l’armée de résistance nationale rebelle
(National Resistance Army) de Yoweri
Museweni, l'indéracinable président
ougandais, ami et protecteur de Kagamé et du
FPR. Kiyago, Godfrey Ntukayajemo de son vrai
nom, appartient à l’ethnie hutue et a grandi
à Kisoro dans la région Ouest de l’Ouganda,
district de Rutiga, d’où est originaire Jack
Nziza, longtemps responsable du
renseignement militaire du Rwanda. Bien que
hutu, Kiyago fut enrôlé dans l’armée rebelle
de Museveni dans les années 1980 en même
temps que de nombreux Tutsis rwandais en
exil en Ouganda. A cause de son apparence et
de son accent – «
Il parlait comme ses cousins hutus de
Ruhengeri (Nord-Ouest du Rwanda) »,
explique un officier supérieur, on le
sélectionna pour infiltrer la milice
Interahamwe. «
Kiyago a dirigé les plus importantes
missions du FPR. Il était toujours actif. »
On le soupçonne de l’assassinat de Félicien
Gatabazi, homme politique d’opposition Hutu,
en 1994, crime qui encouragea la violence
dans la montée vers le génocide, donnant un
avant-goût du cauchemar à venir. Des
témoignages le citent également comme ayant
aidé à massacrer Lando Ndasingwa, sa femme
Hélène Pinsky, une Canadienne, et leurs deux
enfants une fois déclenché le génocide. Dès
le premier jour en fait. Ministre tutsi du
gouvernement de transition d'Habyarimana,
Lando était le frère de Louise Mushikiwabo,
devenue plus tard, en 2009, la ministre des
Affaires étrangères de Kagamé et récemment
promue, en 2018, secrétaire générale de la
Francophonie.
D’après plusieurs sources, Kiyago a été
condamné pour avoir violé et tué une femme
et sa fille alors que cette famille
insistait pour récupérer sa maison qu’il
avait confisquée après le génocide. Il fut
condamné pour meurtre, fit un séjour en
prison puis bénéficia d’une remise de peine
et s’engagea comme soldat de la paix de
l’ONU au Soudan. Le Globe and Mail, journal
canadien, a publié en 2014 des
enregistrements selon lesquels en 2011 on
fit initialement appel à Kiyago pour
assassiner les dissidents Kayumba Nyamwasa
et Patrick Karegeya. Mais il ne fut
finalement pas choisi, probablement à cause
du mandat d’arrêt international lancé contre
lui par l’Espagne.
Ses anciens collègues, qui connaissent bien
Kiyago, signalent sa
page Facebook actuelle, sous le nom de
Kiyago Godfery. On trouve sur son compte des
photos où il saute en l’air avec des
étrangers dans le parc Akagera du Rwanda,
comme s’il était leur guide, ainsi que de
paisibles photos de sa mère, de ses enfants,
de quelques femmes dont il a été proche et
aussi une photo de Kagamé avec son fils et
sa fille en treillis militaire. Il y a
également des photos simples de sa jeunesse
et des portraits décontractés plus récents,
à l’âge mûr. Il fait référence à sa période
au Darfour comme chauffeur pour les Nations
unies et affiche le truquage photo sanglant
d’un homme masqué arrachant son cœur pour
l’offrir à une femme. Une mention de 2018
dit : «
Ce n’est que dans la nuit que l’on voit les
étoiles », une variation d’une citation
de Martin Luther King Jr.
Kiyago semble également entretenir un
compte Twitter dormant via lequel
il remercie publiquement Kagamé pour ce
qu’il a fait pour lui. Les tweets datent de
2011.
@Godfreykiyago – 19 Août 2011
@Godfreykiyago – 16 Août 2011
Une des allégations les plus virulentes
issue des cendres du génocide rwandais a été
lancée contre la France pour le rôle
qu’auraient joué ses forces armées fin juin
et juillet 1994 dans les préfectures du
Sud-Ouest, Kibuye, Gikongoro, Cyangugu, dans
le cadre de l’opération Turquoise, sous
mandat humanitaire de l’ONU. Le Rwanda de
Kagamé affirme que l’armée française a
échoué à protéger les Tutsis de Bisesero,
protégeant au contraire les criminels et se
rendant coupable de complicité de génocide.
La France, le seul pays à intervenir pour
sauver des vies au Rwanda en 1994, a dénoncé
ces accusations comme «
monstrueuses ». Les soldats tutsis et
les survivants qui m’ont confié leurs
témoignages affirment que les accusations
antifrançaises ne sont qu’une manœuvre
transparente visant à faire diversion du
rôle majeur du FPR dans le massacre des
Tutsis. Et n'ont eu pour but, pendant des
années, que d’amener la France à abandonner
une instruction judiciaire sur le rôle du
FPR dans l’assassinat de Habyrimana et le
déclenchement du génocide.
En décembre 2018, le juge Jean-Marc Herbaut
a prononcé un non-lieu à l’égard des chefs
du FPR pour cause d’insuffisance de preuves.
Les avocats des parties civiles, parmi
lesquelles des membres des familles de
l’équipage de l’avion abattu lors de
l’attentat, prévoient de faire appel.
Le vice-amiral Marin Gillier faisait partie
d’une équipe des forces spéciales françaises
chargée de trouver des survivants et de les
mettre à l’abri sous la responsabilité de
l’opération Turquoise. Le 24 juin, aux
premiers jours de leur arrivée au Rwanda,
ils effectuèrent une reconnaissance dans un
camp de transit hutu à Kirambo et dans des
villages du Kibuye proches de Bisesero. « On
est tombé sur des personnes qui étaient
traumatisées parce que les gens mouraient de
sévices, de faim, de peur, de maladie. On
voyait des maux partout. »
Le 27 juin, lors d’un déplacement à
Gishyita, au Nord-Ouest de Bisesero, les
villageois expliquèrent aux soldats français
que le FPR avait entièrement infiltré les
collines de Kibuye et «
essayaient de couper le pays en deux ».
Mais Marin Gillier, capitaine de frégate à
ce moment-là, ne savait quoi conclure de ces
informations. Néanmoins, il fit un rapport
de cette infiltration présumée par le FPR et
fit officiellement état de ses observations
devant une commission parlementaire en juin
1998. «
A longueur de journée, les gens nous
racontaient toutes sortes d’histoires, il y
en avait sûrement qui étaient vraies et
beaucoup qui étaient fausses. La difficulté
était de savoir qui voulait nous manipuler,
pourquoi et quelle était la vérité. »
Malgré le secours et l’aide apportés à des
milliers de villageois dans tout le
Sud-Ouest du Rwanda, l’armée française et
les responsables ayant servi sous François
Mitterrand sont en proie à une cabale menée
par des journalistes français, des
chercheurs, des activistes et des
lobbyistes. Un certain nombre de ces
individus ont construit leur carrière sur le
commerce du récit officiel du génocide,
selon lequel les seuls acteurs des violences
de 1994 étaient les Hutus et Kagamé, l'homme
qui mit un terme à l'horreur. Premier
journaliste occidental à avoir fait le récit
des crimes et de la propagande du FPR,
Pierre Péan a démontré comment les Tutsis
sauvés par l’armée française ont
initialement réagi avec joie et gratitude en
1994 mais ont plus tard accusé les Français
d’avoir protégé les criminels hutus. Péan a
également mis en évidence les contradictions
et les incohérences du compte-rendu plein
d’émotion du journaliste Patrick de
Saint-Exupéry. En 2015, lors de l’enquête
judiciaire en France, il a indiqué comment
le FPR avait infiltré Kibuye avant les
massacres de Bisesero. Il a expliqué que le
FPR avait une base logistique sur la rive du
lac Kivu, la faisant passer pour une
clinique, et transportait des armes de la
base du FPR à Kigali, le CND, à Kibuye avant
l’arrivée des forces françaises à Bisesero.
James Munyandinda déclare que malgré la
propagande de Kigali, les Rwandais sont
reconnaissants envers les militaires
français de l’opération Turquoise. «
Kagamé a tenté de diaboliser l’armée
française et prétend que ses soldats ont
échoué à sauver les Tutsis. Mais ce sont des
milliers de gens que l’armée française a
sauvés des tueurs, de la milice hutue et du
réseau des commandos de Kagamé. Nombre de
Rwandais voient les militaires français
comme des héros. »
Plusieurs sources affirment que les civils
tutsis victimes des violences du FPR et
sauvés par des voisins hutus, des prêtres ou
l’armée de Habyarimana pendant le génocide,
ne peuvent raconter leur histoire parce
qu’ils craignent d’être assassinés au Rwanda
ou pourchassés à l’étranger par les agents
de Kagamé. Ils ont choisi au contraire de se
taire ou accepté de mentir pour protéger
leur famille et, dans bien des cas, profiter
de privilèges : emplois, visas ou accès à
l’éducation. J’ai rencontré une femme
terrorisée à l’idée de dire ce qui s’est
passé dans son village, aux alentours de
Bisesero, pendant le génocide et après.
D’accord pour raconter son histoire, elle
insiste pour ne pas nommer ceux qui l’ont
sauvée ni où elle s’est cachée afin que le
FPR ne puisse l’identifier et s’en prendre à
elle et sa famille. Elle rapporte comment un
prêtre hutu - elle le considère comme un
saint - l’a abritée, elle et d’autres Tutsis
alors que des hordes de crapules hutus se
livraient à leurs exactions. «
Nous ne savions pas d’où venaient ces
bandits… Ils sont arrivés comme des
sauterelles et se sont mélangés aux Hutus
locaux », dit-elle. Plus tard, elle et
d’autres Tutsis furent protégés et nourris
par la gendarmerie d'Habyarimana. «
Là où j’étais, personne n’a été violé ou
menacé par les gendarmes, les militaires ou
les autorités du gouvernement »,
explique-t-elle. Des semaines plus tard, la
gendarmerie la ramena à son village où les
forces françaises la secoururent fin juin. «
Les soldats français n’ont jamais abandonné
les Tutsis. Ils m’ont secourue et bien
d’autres encore. Chaque fois qu’on leur a
dit qu’un Tutsi se cachait, ils allaient le
chercher. Ils ont pris au sérieux tout ce
qu’on leur disait sur notre situation. » Cette
femme affirme également qu’elle a vu les
Français désarmer et arrêter les brigands
hutus et les miliciens chaque fois qu’ils
ont pu. Fin juillet 1994, l’armée française
la remit avec d’autres Tutsis à une ONG
française dont le personnel les transféra
ensuite dans une zone contrôlée par le FPR.
Et c’est là que l’impensable se produisit :
les femmes furent séparées des hommes et
amenées dans une maison où elles furent
violées par les officiers du FPR. «
J’ai entendu des filles et des femmes hurler
la nuit… Quiconque résistait était tuée le
lendemain. » Cette femme s’est enfuie
dans la forêt, a fuit le Rwanda pour le
Burundi et vit maintenant à l’étranger.
Un Tutsi du nom de Léonard, aujourd’hui en
exil, a perdu la plupart de sa famille à
Bisesero, «
Après que le FPR a pris le contrôle de cette
zone, ils ont continué à tuer les
survivants. Après la guerre, les gens du FPR
étaient pleins d’arrogance. Dans les bars,
ils parlaient de ce qu’ils avaient fait, de
combien de Tutsis avaient été tués. » Actuellement,
de nombreux Tutsis savent que le FPR a
exterminé leur famille mais sont contraints
au silence. «
Les Tutsis de l’intérieur sont désespérés.
Beaucoup d’entre nous sont condamnés par ce
régime. Nous devons coopérer ou mourir. »
https://www.marianne.net/monde/rwanda-revelations-sur-les-massacres-de-bisesero
Infiltrer, dissimuler et tromper
Au début
des attaques de ces milices « mixtes », les
Tutsis de Bisesero organisèrent une
résistance inhabituellement efficace,
combattant les tueurs à l’aide de lances et
d’autres armes traditionnelles. Ils
démontrèrent un courage et une force si
remarquables que Kagamé lui-même y fit
référence dans un de ses discours : « Une
exception majeure au schéma d’abandon et de
désespoir est à noter dans les annales
horribles du génocide. La résistance
organisée par des milliers de Tutsis, pour
la plupart sans armes, à Bisesero, dans la
province de Kibuye, à l’Ouest du Rwanda, est
en elle-même un témoignage de la
détermination d’un important groupe de la
population à ne pas devenir des victimes. »
Et cependant, par une de ses opérations les
plus diaboliques et les mieux planifiées de
1994, c'est bien le FPR qui finit par
écraser la résistance des Tutsis de
Bisesero, s’assurant de leur mort par
milliers fin juin, alors que l’armée
française arrivait au Rwanda pour y conduire
une mission d'aide humanitaire.
D’après
plusieurs témoins ayant fui le Rwanda, ce
sont les commandants en chef bénéficiant de
sa plus grande confiance, James Kabarebe et
Charles Kayonga, que Kagamé chargea
d’organiser l’opération de Bisesero.
Kabarebe était le responsable des gardes du
corps de Kagamé au bataillon du Haut
Commandement et Kayonga celui du 3ème
bataillon basé à Kigali, la capitale, et par
lequel transitaient les commandos avant de
se déployer dans les provinces. Kabarebe et
Kayonga inondèrent la région d’un nombre
toujours croissant de commandos et d’armes -
grenades et fusils en particulier - puis
reçurent un appui militaire d’un petit
groupe de soldats de l’armée du président
Juvenal Habyarimana à Kibuye. Toutefois, un
ancien haut responsable du renseignement du
FPR, confirmant au passage le rôle
déterminant de celui-ci dans le massacre de
Bisesero, affirme que les forces militaires
hutues officielles avaient fui la région
vers la fin juin et ne prirent pas part
directement à la tuerie des Tutsis. « C’est
pure fiction, explique-t-il. Quand les
Tutsis de Bisesero furent tués par les
commandos Interahamwe et le FPR, les FAR
(Forces armées rwandaises) étaient en fuite.
LA PRÉPARATION DES TUEURS
Votre Excellence, encore moi, RTD Capt
Kiyago, heureux de ce que vous faites pour
le Rwanda et ce que vous avez fait pour moi.
Votre Excellence je veux vous voir.
Bonjour votre Excellence, RTD
Capt Kiyago, je vous remercie de ce que vous
avez fait pour moi. Je vous demande
humblement un rendez-vous, le n° de
téléphone est 0788xxxxxx merci.
LA FRANCE, BOUC ÉMISSAIRE
LES SURVIVANTS TUTSIS